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L’équilibre des volumes, opposition des masses, les pleins et les vides, les hauteurs et les largeurs, les volumes lourds et les volumes légers, la symétrie ou l’asymétrie.
L’équilibre des volumes, opposition des masses, les pleins et les vides, les hauteurs et les largeurs, les volumes lourds et les volumes légers, la symétrie ou l’asymétrie. Tout l’art de la décoration repose entre autre sur le fait de savoir harmoniser et équilibrer les volumes.
Chacun possède au fond de soi, endormi le plus souvent, un sens inné de l’équilibre, une connaissance irrationnelle de l’harmonie. Si le nez de Cléopâtre avait été plus long… son visage eût été moins séduisant. Cette évident convainc tout le monde, qui remarque la beauté ou la laideur d’un nez trop long ou trop gros, mais qui ne voit plus le meuble trop grand ou trop bas que le regard quotidien et l’habitude ont fondu avec les murs.
Pourtant, les mêmes lois régissent le rapport des volumes entre eux, qu’il s’agisse d’un visage, d’une sculpture, d’une pièce. Juger de l’équilibre des volumes, c’est s’habituer à regarder chaque chose par rapport à l’autre, en tant que masse, en effaçant de la vision les détails qui distraient, c’est retrouver un œil neuf comme on retrouverait un sixième sens perdu.
Lorsque des meubles entre eux s’accordent par une commune mesure que l’on pourrait représenter par le chiffre 3, l’un figurant le tiers de l’autre ou les deux tiers d’un troisième, le problème de leur voisinage ne se pose pas.
Le mariage des volumes lourds et des volumes légers, en revanche, nécessite un dosage plus délicat. L’exemple de la nature qui n’a pas hésité à donner des feuilles aux arbres, permet de constater qu’en principe pour un volume lourd il faut prévoir une multiplicité de volumes légers. Par exemple, une masse en relief d’un canapé, continuée en surface sur le pur par un grand tableau et au sol par un tapis, appelle des meubles ou objets légers, assez nombreux pour représenter l’équivalent ou presque de sa propre masse.
Dans cette recherche d’équilibre, plus difficile mais plus riche, de volumes contraires, l’opposition bien exploitée des masses en longueur et des masses en hauteur transforme cette rupture de rythme en musique pour l’œil. Celle-ci supporte un accompagnement fait de quelques objets ou meubles de masse réduite, liant les volumes sans détruire l’effet de contraste, à condition que le nombre en soit limité et ne surcharge pas ce décor don la pureté dépend d’un certain dépouillement.
Ce qui est vrai pour des volumes indépendants liés entre eux par les affinités secrètes d’une harmonie trouvée l’est également pour un volume seul que sa destination sculpte en pleins et en vides. La répartition de ceux-ci pose les mêmes problèmes d’équilibre que si chacun était doué d’une vie propre condamnée à s’accommoder de la vie des autres dans la promiscuité plus grande d’un volume unique. Au milieu d’une suite ininterrompue de placards destinés à divers rangements, et dont l’alignement même, sans autre enjolivement que la laque blanche qui les recouvre, est un parti pris d’équilibre, la coupure opérée par des vitrines laisse à l’œil le plaisir de la halte. Légères par le volume et le verre employé, elles jouent le rôle de la ponctuation qui donne à la phrase son sens exact.
A la limite, la répartition des pleins et des vides dans un meuble rejoint la sculpture et le transforme en élément décoratif, support digne des objets d’art que l’on y expose. Les rapports d’une case à l’autre s’établissent exactement selon les lois qui régissent l’assemblage des volumes, et la recherche doit être poussée jusque dans le garnissage de chaque case par l’objet de taille appropriée.
A soupeser les volumes, à les équilibrer, à la disposer d’une manière ou d’une autre, on rencontre avec certitude le visage rassurant de la symétrie. Les deux plateaux de la balance s’alignent rigoureusement, un ordre indiscutable est établi. Plein de raison plus que d’imagination, de sagesse plus que de fantaisie, cet ordre-là procure sans conteste le calme et la sérénité. Encore faut-il qu’entre les jumeaux de tailles diverses s’établisse un rapport aussi heureux.
L’asymétrie, au contraire, c’est le désordre. Mais le désordre est un effet de l’art, et l’art est un ordre des choses. *Donc le désordre de l’asymétrie n’est qu’apparent, il cache en réalité un ordre plus subtil, plus difficile à trouver. On court le risque, le cherchant, de ne rencontrer que la démesure là où l’on espérait l’originalité et la belle composition. Mais si, à force de tâtonner, de se façonner la vue, on réussit à créer l’équilibre dans le déséquilibre, l’ordre dans le désordre, le résultat sans beau comme une œuvre d’art.